vendredi 4 décembre 2009

Marrakech

J’arrive à Marrakech avec une pléiade d’avis, parce que tout le monde connaît cette ville – Pas moi !

Les français qui ont pour habitude de venir régulièrement ici, m’ont confié tantôt leur déception, tantôt leur extase, mais jamais l’indifférence – mais moi je suis vierge du Maghreb !

Mi-novembre 2009 : je fais un vœu en posant le pied pour la première fois sur le sol marocain.

Quelque chose se passe à Marrakech. Une âme m’imprègne autant que le rouge sur la pierre des maisons ou des remparts.
L’arrivée est surprenante - j’ai la chaire de poule malgré la chaleur. Des calèches tirées par des chevaux circulent à côté des scooters vétustes, sur lesquels personne ne porte le casque ! Les taxis font aussi partie du décor ; ce sont de vieilles voitures sans couleur qui chargent trop de clients à la fois ! Je souris en voyant une famille qui s’y tient entassée ! J’essaye de les dénombrer, c’est impossible !

Après avoir parcouru un dédale de ruelles rouges, c’est la porte du Riad. Ailleurs je n’aurais pas été rassurée, pourtant ici je ne risque rien, nous sommes dans la Medina et ces murs immenses en cachent gros… Passé le seuil de cette porte sublime, sur laquelle rien n’est inscrit, j’ai le souffle coupé. Les marocains sont des maîtres dans l’art de décorer ; tout est somptueux du sol en tommettes, jusqu’aux murs blancs éclatants, les guéridons en fer forgé, les gros canapés beiges, les cendriers marocains, les appliques lumineuses !
Plus un bruit, seul le vent dans les deux gros palmiers qui bordent l’adorable piscine du patio, le chant des oiseaux et bientôt le son du thé à la menthe qui coule dans les verres. En tendant bien l’oreille j’entends d’autres chants, comme ceux du luth qui résonnent sur la place Jemaa-el-fna. Un peu plus tard, sur le toit du Riad, mon cœur se serre : une voix d’homme qui appelle au loin, je cherche du regard. Puis ça me serre encore un peu : une autre voix d’homme s’ajoute à la première ; leur timbre est grave, long, puis saccadé et appuyé. Ma tête se tourne pour trouver la mosquée: je comprends l’heure de la prière, je distingue un minaret, puis un second et je devine le visage du muezzin. Je ferme les yeux pour mieux ressentir : je prie…

Et sur cette place c’est un dépaysement total, ça grouille d’hommes qui alpaguent avec leurs singes ou leurs serpents, ainsi que les femmes voilées qui attrapent les mains pour un souvenir au henné. Photos, bakchich, henné, singes en laisse, étales de fruits secs, jus de fruits à 10 dirhams, chats errants, scooters, vélos, charrette à bras, attention ! Circulez !
Les terrasses des restaurants sont en hauteur quelques fois, toujours bondées. Je tourne la tête : des portes en bois toutes plus belles, mes yeux courent partout de peur de manquer une splendeur.

Puis la nuit tombe…
C’est une autre place qui se déguise.
Des restaurants volants se sont implantés comme s’ils sortaient de terre. Des milliers de lampions illuminent tous ces espaces ; ça fume sous les réchauds, des escargots mijotent, des œufs sous toutes les formes.
- Viens manger chez moi !
- Merci je n’ai pas faim.
- Alors retiens mon numéro, c’est le 22 !
- Le 22, pas de problème.
10 mètres plus loin, c’est un autre restaurateur qui m’intercepte :
- Viens manger chez moi !
Je tente une autre réponse, je lui souris :
- J’ai déjà mangé !
- C’est pas grave, c’est le deuxième service !
Et comme je continue d’avancer en riant, il poursuit :
- Faut que tu manges, t’es trop maigre !
J’adore !
Dommage qu’il me l’ait dit avec autant de pitié, ça ne ressemblait pas à un compliment. Je comprendrai plus tard en admirant leurs danseuses orientales et leurs jolis corps charnus.

Et puis c’est un autre rideau qui se lève sur un dédale de marchandises, sur un jeu d’ombres et de lumière.
La chance est avec moi pour toutes ces premières fois à Marrakech : la beauté du Riad dans lequel je suis invité, la qualité du couscous lorsque je m’attable au premier restaurant, le soleil assez chaud pour le mois de novembre et aujourd’hui dans les souks !
Lundi, 9 heures du matin.
Pas un bruit, les magasins ouvrent à peine, les artisans qui s’éveillent doucement, qui ne sont pas encore prêts pour achalander les clients que nous sommes. Tout est lent, mais pas pour longtemps d’après la légende. Je profite de cette léthargie générale pour flâner, admirer…
- Pour le plaisir des yeux !
- Oui merci.
Rien de bien méchant, c’est la phrase qu’il doit répéter 10 500 fois dans une journée avec des intonations différentes. Même endormis c’est plus fort qu’eux, ils sont là, il faut vendre !
Que des sourires, jamais un mot plus haut que l’autre, même si je n’achète rien.
- Ça fait plaisir !
Ou encore :
- Rentrez, soyez les bienvenues !
Je pense soudainement à Paris et à notre accueil qui peut être déplorable. Ici, pour 30 dirhams (à peine 3 €), ils se plient en quatre, nous font l’article sur les babouches comme s’il s’agissait de la dernière Rolls toutes options !
Ils sont les rois de la vente !

Un autre rideau se lève à la sortie de la Medina. Il faut rouler un quart d’heure, enfin rouler, disons plutôt slalomer ! Puis c'est la découverte de la Palmeraie, ou du moins ce que l’imaginaire veut bien nous insuffler, car seuls des murs rouges, des portes magistrales et des palmiers, bordent les routes. Aucune villa n’est apparente, aucun signe ne laisse entrevoir ce qui se cache derrière toutes ces portes majestueuses.
Des étendues de palmiers un peu plus loin avec des systèmes d’irrigation étonnants qui sillonnent la terre et des murs rouges encore et encore.

Mais si vous saviez tout ce que je n’ai pas écrit, parce que tout ne se raconte pas : monuments, palais, villas, rues, pâtisseries, dattes, restaurants, hôtels, chameaux, couscous, tagine, éclairages tamisés, vélos, triporteurs, circulation, français, marocains, mendiants, artisans…
Je vous souhaite à tous de recevoir un tel cadeau d’anniversaire…

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