Je ne regrette pas d'avoir attendu 38 ans pour voir Venise,
la belle, la mystérieuse, la sensuelle, l'accorte Venise.
Un premier jour sous un froid sec et ensoleillé, un second
sous une brume épaisse et un dernier sous un ciel bas et toujours aussi froid.
Ailleurs qu'à Venise, il est évident que j'aurais trouvé cette seule journée
ensoleillée bien maigre sur trois jours, et pourtant j'ai accueilli chaque climat
comme on admire un nouveau tableau aux multiples nuances.
À peine sortie de l'avion j'assiste à un festival de
merveilles, dès l'arrivée sur la grande route qui nous achemine à la piazza di Roma,
je découvre avec fascination une lagune immense confondue avec un ciel tout
aussi grand et tout aussi bleu. Puis c'est le grand canal, le décor change, la
ville se présente avec une élégance infinie ! Béate, je me laisse séduire par ses
bâtiments lumineux et éclatants qui bordent l'immense ruban d'eau que nous
parcourons. J'observe comme une enfant cette balade jusqu'à l'arrêt Ca'd'oro,
heureuse d'être là, au milieu de ce décor aux allures d'autrefois.
Évidemment cette première journée se passe en marchant, visitant
les innombrables églises, dignes de musées pour certaines, sillonnant les
ruelles, les places et les ponts qui enjambent gracieusement les canaux
romantiques. Les bateliers me font sourire, beaux, forts et fiers dans leur
tenue : caban noir, marinière noire et blanche pour certains, rouge et blanche
pour les autres et pantalon noir pour tous. J'aime les entendre chantonner, siffloter,
tantôt à quai, tantôt conduisant leurs gondoles, qui voguent au rythme de la Dolce
Vita !
Puis, le lendemain il y a cette brume incroyablement
mystérieuse qui s'est installée pendant la nuit et qui a laissé un épais coton
sur les murs et l'eau de toute la ville. Cette humidité n'empêche personne de
circuler dans les rues étroites de Venise. Un petit tour sur le marché du
Rialto et j'admire la fraîcheur et la taille de tous ces poissons magnifiques.
La foule tourne autour des étals sans jamais se bousculer, sans cris non plus,
sans agressivité, sans voiture bien sûr. Une valse bien orchestrée, au milieu
des fruits, des légumes et des tomates séchées.
C'est un autre temps, une sorte de rêve d'autrefois qui se
pose là. Le summum du romantisme s'installe
le soir, piazza San Marco, sous un ciel sombre et brumeux, assise chez Florian,
à la terrasse (chose infaisable en été), sous les notes enflammées d'une
violoniste et d'une pianiste.
De nuit, tout change, les rues, les monuments et les
canaux. Ce soir, l'eau a mis son manteau de fumée, ses lumières tamisées qui
viennent ponctuer la rive. Le bateau s'éteint et nous avançons calmement, sans
jamais faire de vagues, croisant les autres vaporetto et les gondoles
silencieuses. Dans quel film sommes-nous transportés ? Dans quel univers ? Visconti,
Fellini ? Une sensation étrange de surréalisme m'enveloppe. J'aime cette
atmosphère féérique qui nous transporte dans un monde intemporel. La nuit pour
une fois me séduit.
Je vous passe l'aspect culturel, incessant, explosif, qui jalonne la ville de mille trésors, le goût de pâtes, inégalable et succulent, la musique qui chante lorsque les Italiens s'enflamment, ou pas ! Rien ne m'a laissé indifférente.
Rien au point de filer à Jacquemart voir Canaletto pour rêver encore un peu, en attendant mon prochain séjour vénitien !
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