Il y a longtemps que je voulais vous
parler de Mr H, un de mes fidèles auteurs que j'ai le plaisir d'accompagner depuis
plus d'un an pour la rédaction de son roman.
Lors de notre premier rendez-vous,
il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait écrire. Il savait qu'il avait une
facilité dans ce domaine, qu'il était capable de rédiger des textes à la
demande, d'ailleurs c'est souvent lui qu'on choisissait pour écrire tout style
de discours, ou même de contrats. Oui mais après ? Que fait-on de ce talent ?
C'est là que j'interviens.
Après l'avoir interrogé sur ses
envies, ses projets, ses convictions, puis lui avoir fait rédiger de nombreux
essais, j'ai vite compris que Mr H était capable d'écrire un roman. J'ai senti
le vertige dans son regard lorsque je lui ai appris que nous allions démarrer
l'aventure.
Quel thème choisir ?
Quel héros ?
Quelle histoire ?
Quelles intrigues ?
Comment démarrer le récit ?
Comment enchaîner les passages entre
eux ?
Après trois séances, la machine
était lancée, Mr H se découvrait écrivain. Cette fois ses yeux brillaient avec intensité.
Nous voici aujourd'hui à quelques
mètres de la fin, quelques 300 pages rédigées et l'histoire merveilleuse de Ben
Lorssen, un adolescent comme les autres, à quelques détails près… Ben découvre
une nouvelle ville, de nouvelles connaissances, dont Estelle qui sera sa "première
fois", ainsi que Georges, surnommé le Cahut, le SDF de la région, qui deviendra son ami.
Avant que le texte de Mr H ne trouve
les mains d'un éditeur, je vous laisse découvrir un extrait de son premier roman
"Saison":
"La chambre de Ben donne sur le
jardin, à l'arrière de la maison. Le terrain est tout en long. Il remonte la
pente en terrasses sur trois niveaux, séparées par des rocailles mêlées aux
massifs de fleurs. Les maisons des Hauts sont restées inhabitées plusieurs
années sans trouver preneurs, aussi les jardins ont-ils eu tout le loisir de
prospérer. Les rosiers ont formé d'impénétrables buissons et les jeunes arbres
fruitiers, palissés en haies tout au long des terrains voisins, donnent de
beaux fruits qui contrastent avec les branches graciles.
Au bout de la troisième terrasse de
gazon, tout en haut du terrain, se trouve une caravane toute ronde, couleur
aluminium. La vieille caravane Airstream est garée là. C’est devenu une
relique, que Monsieur Lorssen avait achetée quand les enfants étaient petits,
du temps où il rêvait encore de bohème. Elle n'est plus guère utilisée, mais
jusqu'à sa dernière promotion, le père de famille l'entretenait encore de temps
en temps. Il la maintenait prête à reprendre la route, par nostalgie. Derrière
l'Airstream, se trouve une double porte permettant d'accéder à un chemin de
terre, qui longe un immense verger.
Ben, sur la terrasse, une canette de
Coca à la main, profite de cette fin d'après-midi pour découvrir plus en détail
le jardin familial. Dos à la maison, il grimace en regardant à droite
l'affreuse potence en forme de parapluie déjà installée par Madame Lorssen pour
le séchage du linge. L'engin a été installé dans un renfoncement du jardin.
Bien que proche de la maison, il est par bonheur hors de vue de la baie vitrée
du salon, note l’adolescent avec soulagement. Ben trouve insupportable cette
manie maternelle d'exposer leurs affaires personnelles, notamment ses slips et
ses chaussettes, mais aussi les dessous de sa mère, à la vue directe des
invités ou des voisins ! Une chose est sûre, si des amis à lui viennent un jour
à la maison, il prendra soin de les arracher de là.
Cette réflexion faite, Ben
s’intéresse à la caravane trônant au fond du jardin et grimpe les terrasses végétales.
Au passage, il caresse du dos de la main la peau pâle et rosissante d'une poire
déjà mûre, prête à tomber au sol. La lumière du soir jette des reflets
flamboyants sur le toit de l’Airstream. Au loin, Ben observe le soleil pénétrer
doucement la forêt. Il voit peu à peu les branches d'arbres zébrer le cercle
parfait du soleil. Immobile, face à ce spectacle qui lui semble projeté pour
lui seul, il attend que la forêt ait englouti le disque lumineux pour basculer
la poignée et ouvrir la porte de la caravane.
Une odeur confiturée de cuir, de
plastique et de bois ciré, l'enveloppe à son entrée dans l'Airstream. Des
rideaux en crochet filtrent la lumière dorée et faiblissante du dehors, donnant
à ce simple intérieur une intensité surréaliste, comme s'il était suspendu dans
l'espace et le temps. Ben contemple la simplicité rêvée de ce spectacle.
La douceur de la température, la
sensualité de la lumière, alanguissent son corps et ramènent ses pensées vers
Estelle, sa nuque en nuage et la blancheur de sa peau sous la jupe
virevoltante. Son esprit reconstruit en pensées les parties manquantes du corps
d'Estelle, ses épaules rondes que les bretelles de son soutien-gorge doivent
marquer un peu, son cou, le léger et progressif gonflement à la naissance de sa
poitrine, la courbe affolante de ses seins lourds, l'arrondi de leur galbe vu
de dessous, sa taille marquée comme pour mieux la tenir des deux mains. Prenant
son temps, baigné dans cette ambiance irréelle, Ben entreprend de caresser
mentalement Estelle. Il imagine à présent ses jambes, la peau sensible à
l'arrière de ses genoux, infiniment soyeuse, ses cuisses rondes mais fermes, le
duvet blond de son sexe, plus fin encore que celui de sa nuque...
Un bruit
venant de la porte restée ouverte de l'Airstream, détourne son attention et
stoppe sa folle excitation. Sa mère est en train de monter dans le jardin
depuis la maison. Le claquement de ses
chaussures sur les pierres des escaliers projette Ben debout sur ses pieds. Il
sort précipitamment, atterrit sans bruit sur le gazon, et referme avec
précaution la porte de la caravane. Tentant de prendre un air dégagé de
promeneur du soir, il marche le long de la clôture du jardin et simule la
surprise en voyant sa mère arriver vers lui."
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