samedi 23 janvier 2010

Saint-Jean de Montmartre

Adieu

Il arrive parfois de rencontrer un peu tard un membre de sa famille…
Un proche vous appelle…
Anne-Marie Talavera, née Madoisse, est décédée !
Silence pénible, remords de ne pas ressentir la même tristesse que celui qui vous l'annonce.
Qui pouvait-elle être ?
La cousine de mon père, aïe ! Je ne vois toujours pas, mais je réponds oui pour venir à la messe d’enterrement.
En y allant, je fouille dans ma mémoire, j’arpente mes souvenirs d’enfant, je cherche un sourire qu’elle aurait pu m'offrir, mais je ne trouve rien d’autre qu’un grand vide.

J’arrive rue des Abbesses, près d'où elle vivait. J’avance dans l’église Saint-Jean de Montmartre et j'aurais tendance à me sentir totalement étrangère si mon père n’était pas là pour me souffler cinq prénoms. Ces gens-là sont de ma famille et je ne les connais pas ou si peu. Un peu honteuse, je ne me glisse surtout pas au premier rang. Mon cœur se serre, le cercueil approche de l’autel et un air froid l’accompagne. Des anges passent.
J’ai de la peine pour Nathalie qui pleure sous son long manteau noir, la jeune main de sa propre fille dans la sienne. C’est toujours trop tôt pour perdre sa maman…
Puis, vient la lumière dans ces ténèbres glaciales, le père Bouvier exprime sa compassion et nous regarde tous :


- Merci… Un vrai merci d’être là !


Ses mots sonnent tellement bien, ils sont si justes que tous les yeux de l’assemblée brillent.
Et soudain, grâce à ce prêtre, je découvre qui était cette personne, j’écoute toutes ces éloges, fière de savoir qu’une femme telle qu’Anne-Marie, était de ma famille. Alors je n’ai plus honte d’être dans cette église, car je ne suis plus une étrangère.

Tout le monde a le droit d’être autour d’Anne-Marie pour son grand voyage, tout le monde a le droit de lui dire adieu, de penser à elle, de prier pour elle, que l’on soit plus ou moins proches. J’ai écouté de toute ma foi cette homélie, j’en ai bu chaque mot et j’ai pensé à tous ceux qui, comme mon père, sont non croyants ; j’ai songé qu’en écoutant un tel discours, ils auraient dorénavant un peu moins peur de la mort.

Le prêtre nous explique que mourir ce n’est heureusement pas le repos éternel, qu’on s’ennuierait tellement, que ce n’est pas non plus parfait, parce que dans ce terme "par-fait" il n’y a plus rien à faire. Quelle tristesse ce serait alors ! Il nous parle d’espérance, car lui comme nous, ne savons pas à quoi la mort ressemble, mais ce qui est certain c’est que nous devons espérer…

Hauts les cœurs ! La messe se termine, on témoigne notre affection à celle que l’on surnommait Annette, on pose nos mains sur son cercueil, on la signe avec tendresse. Je marche lentement vers la sortie. Mais avant de rentrer chez moi, avant de reprendre le cours de ma vie, j’embrasse ces gens qui font partie de ma famille et prends mon courage à deux mains pour remercier celui qui a réussi à émouvoir les quelques non-croyants :


- Merci d'avoir été là.
Le prêtre me répond doucement en souriant, ma main dans les siennes :
- Vous étiez une amie d’Anne-Marie ?
- Non, je suis de sa famille…


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