vendredi 30 novembre 2012

Visiter Venise et admirer Canaletto à Paris


Je ne regrette pas d'avoir attendu 38 ans pour voir Venise, la belle, la mystérieuse, la sensuelle, l'accorte Venise.
Un premier jour sous un froid sec et ensoleillé, un second sous une brume épaisse et un dernier sous un ciel bas et toujours aussi froid. Ailleurs qu'à Venise, il est évident que j'aurais trouvé cette seule journée ensoleillée bien maigre sur trois jours, et pourtant j'ai accueilli chaque climat comme on admire un nouveau tableau aux multiples nuances.
À peine sortie de l'avion j'assiste à un festival de merveilles, dès l'arrivée sur la grande route qui nous achemine à la piazza di Roma, je découvre avec fascination une lagune immense confondue avec un ciel tout aussi grand et tout aussi bleu. Puis c'est le grand canal, le décor change, la ville se présente avec une élégance infinie ! Béate, je me laisse séduire par ses bâtiments lumineux et éclatants qui bordent l'immense ruban d'eau que nous parcourons. J'observe comme une enfant cette balade jusqu'à l'arrêt Ca'd'oro, heureuse d'être là, au milieu de ce décor aux allures d'autrefois.
Évidemment cette première journée se passe en marchant, visitant les innombrables églises, dignes de musées pour certaines, sillonnant les ruelles, les places et les ponts qui enjambent gracieusement les canaux romantiques. Les bateliers me font sourire, beaux, forts et fiers dans leur tenue : caban noir, marinière noire et blanche pour certains, rouge et blanche pour les autres et pantalon noir pour tous. J'aime les entendre chantonner, siffloter, tantôt à quai, tantôt conduisant leurs gondoles, qui voguent au rythme de la Dolce Vita !

Puis, le lendemain il y a cette brume incroyablement mystérieuse qui s'est installée pendant la nuit et qui a laissé un épais coton sur les murs et l'eau de toute la ville. Cette humidité n'empêche personne de circuler dans les rues étroites de Venise. Un petit tour sur le marché du Rialto et j'admire la fraîcheur et la taille de tous ces poissons magnifiques. La foule tourne autour des étals sans jamais se bousculer, sans cris non plus, sans agressivité, sans voiture bien sûr. Une valse bien orchestrée, au milieu des fruits, des légumes et des tomates séchées.
C'est un autre temps, une sorte de rêve d'autrefois qui se pose là. Le summum du romantisme s'installe le soir, piazza San Marco, sous un ciel sombre et brumeux, assise chez Florian, à la terrasse (chose infaisable en été), sous les notes enflammées d'une violoniste et d'une pianiste.


De nuit, tout change, les rues, les monuments et les canaux. Ce soir, l'eau a mis son manteau de fumée, ses lumières tamisées qui viennent ponctuer la rive. Le bateau s'éteint et nous avançons calmement, sans jamais faire de vagues, croisant les autres vaporetto et les gondoles silencieuses. Dans quel film sommes-nous transportés ? Dans quel univers ? Visconti, Fellini ? Une sensation étrange de surréalisme m'enveloppe. J'aime cette atmosphère féérique qui nous transporte dans un monde intemporel. La nuit pour une fois me séduit.



Je vous passe l'aspect culturel, incessant, explosif, qui jalonne la ville de mille trésors, le goût de pâtes, inégalable et succulent, la musique qui chante lorsque les Italiens s'enflamment, ou pas ! Rien ne m'a laissé indifférente.

Rien au point de filer à Jacquemart voir Canaletto pour rêver encore un peu, en attendant mon prochain séjour vénitien !

 

jeudi 8 novembre 2012

Les derniers jours de Stefan Zweig



Faut-il avoir lu l'ouvrage de Laurent Seksik racontant le dernier amour de Stefan Zweig, écrivain des temps modernes, et de Lotte Altman, sa jeune épouse souffrante ?Peut-être pas.
Faut-il avoir été séduit par les œuvres du célèbre auteur pour apprécier cette pièce et mieux ressentir le désarroi des derniers jours de Zweig ?
Je n'en suis pas certaine non plus.

Faut-il savoir que c'est avec désespoir qu'il a perçu la montée du nazisme et la menace d'un nouveau conflit à la fin des années 1930, que l'auteur du "Joueur d'échecs" a fui l'Europe pour le Brésil ?
On le comprend parfaitement dans la pièce.
Les acteurs se suffisent à eux-mêmes et nous font voyager dans leur tourmente avec brio.
Oubliez Patrick Timsit et son humour habituel, sur les planches du théâtre Antoine, sa neurasthénie et sa souffrance, vous colleront à la peau.
Oubliez la belle et séduisante Elsa Zylberstein, pour admirer Lotte, son abandon, sa douce folie et sa passion pour son écrivain.

Si je ne devais retenir qu'un seul rôle dans cette pièce dramatique, ce serait celui d'Elsa Zylberstein... merveilleuse dans ce jeu, bouleversante de sincérité. Tout nous fait mal : ses cris, sa naïveté, sa candeur, ses rires, ses pleurs, son admiration sans limites pour son homme, sa jalousie et même sa minceur qui nous heurte.

Elsa Zylberstein m'a fait penser à Nicole Kidman interprétant Virginia Wolf, dans ce film fabuleux "The hours", cette même coiffure ingrate : avec ses cheveux plaqués et attachés en chignon bas et cette raie au milieu, avec ce même désenchantement final et cette folie qui n'est pas animée par la même tourmente, mais qui déchire le personnage de haut en bas.
Allez voir cette pièce, pour un devoir de mémoire certes, pour Zweig évidemment, mais aussi pour les deux acteurs principaux : Timsit et Zylberstein.

N'ignorons pas les trois autres personnages secondaires qui ne déméritent pas : Jacky Nercessian (juste et touchant dans son rôle tant cynique que sympathique), Gyselle Soares (parfaitement expressive, malgré son incapacité à parler la langue de ses nouveaux maîtres) et Bernadette Rollin (abominable logeuse)

Tout s'arrête ici à Pétropolis, le 22 février 1942…