mardi 29 novembre 2011

Roman, football et littérature !

Le rêve de Laurent L. était d'écrire un roman, il avait une ligne conductrice : un footballeur professionnel, la prison, la réinsertion...
Nous en avons fait un roman palpitant et singulier !

Extrait de « La balle aux prisonniers n’est pas un jeu »
 
La prémisse de l'histoire :

Yann Massau, un footballeur professionnel se fait quitter brutalement par sa femme. Anéanti par cette nouvelle, la veille d'un match de championnat de France, il commet une grave faute et se fait expulser du terrain. S'en suit une descente aux enfers vertigineuse, au point d'atterrir en prison, alors qu’il est innocent. Pour ne pas sombrer entièrement, il aura l'idée géniale de créer un concept de réinsertion par le football. Grâce à cela le vent tournera et Yann Massau connaîtra une gloire encore plus grande que celle qu’il connut jadis.

Extrait du Chapitre 3 :
36, quai des orfèvres. C’est donc ça ! Tout est vieux dans ce bâtiment, ça pue et je me demande bien comment des locaux de police peuvent rester dans un tel état de délabrement. Travailler dans de telles conditions ne laisse rien présager de bon.
      Au bout d’un temps infini attaché à la tuyauterie d’un couloir recouvert de formica, le nabot revient me chercher :
-        Allez, on file à la séance photo ! ça te connaît les shooting, non ?
-        Ecoutez, je ne sais pas de quoi vous m’accusez, mais je vous jure sur mon honneur que je n’ai rien fait de mal.
      Je tente par tous les moyens de planter mon regard dans le sien ; je veux que ce type me dise pourquoi je suis là, mais au lieu d’une réponse, j’entends :
-        Ne me parle pas d’honneur, tu vas me faire chialer !
      Tout en me parlant, il me détache du tuyau et m’emmène dans une pièce bien glauque, en resserrant les menottes sur mes deux poignets. Je me retrouve le dos plaqué au mur, face à l’objectif - la photo ne sera pas terrible ! Trente seconde après, un fonctionnaire de police vient me chercher pour me mettre en cellule. Le bruit des trois verrous qu’il ferme derrière moi, fait le bruit le plus insupportable que je n’ai jamais entendu, un bruit sourd et glaçant qui me fait dresser les poils sur le torse ! Je découvre pour la première fois l’enfermement et rien à voir avec celui que je me suis infligé en restant des jours chez moi, celui-ci est subi, sans issue, sans clé, il a le goût de l’humiliation, il est froid et angoissant. Aucun appel au secours n’est autorisé et lorsque je demande d’aller aux toilettes, on met un quart d’heure avant de daigner ouvrir ma cellule. Je profite de cette présence pour soutirer des informations :
-          Combien de temps vais-je pourrir ici ?
-          J’suis pas au courant.
-         Est-ce que je peux passer un coup de fil ? J’ai le droit d’appeler un avocat ! Dis-je en imitant des répliques de film ; persuadé que le cinéma traduit la réalité.
-          Plus tard.
-          C’est quand plus tard ?
-          T’avais pas envie de pisser ?
      Celui-là est encore pire que les autres ; son indifférence frise l’autisme ! Pragmatisme : aller aux toilettes plutôt qu’obtenir une réponse. On ne sait jamais, je pourrais être privé des deux. Interdiction de fermer la porte, pas besoin de papier non plus, ces chiottes turques sont une pure infection. J’ai la nausée en inspirant cette odeur acide et fétide. Au risque d’éclabousser mes baskets sans lacet, déjà maculées, je préfère ne pas regarder ce trou pestilentiel. Mais comment puis-je me retrouver dans un tel gouffre ? Que s’est-il passé dans ma vie pour que je sois aujourd’hui dans les chiottes immondes d’un commissariat, alors que jusque là, j’avais pour habitude de poser mon cul dans des toilettes luxueuses qui sentaient le jasmin ou le cèdre ? Pas question de se laver les mains, bien sûr ! C’est plus fort que moi, il faut que je gueule :
-          Putain, je n’ai rien fait. Laissez-moi partir !
      Le gardien me regarde impassible et me ramène dans la cellule où une prostituée est installée sur l’un des deux bancs. Elle me sourit, j’aurais préféré qu’elle s’en abstienne : il lui manque deux dents ! Je reste courtois malgré tout :
-          Bonjour.
-      Bonjour mon lapin ! Quel honneur de se trouver en cellule VIP ! J’adooore ! Dit-elle en croisant les jambes.
      Puis, elle se lève pour venir vers moi et tout me serrant la main, elle se présente :
-          Je m’appelle Mado …
-          Yann. Annonçais-je froidement.
-        T’es moins souriant qu’à la télé mon lapin, mais je ne t’en veux pas, c’est pas drôle de se retrouver là. Je suis bien placée pour le savoir. Mais tu sais si tu ne prends pas ton mal en patience, tu peux tourner dingue.
      Je n’ai pas envie de lui répondre ; j’ai besoin de silence et surtout j’ai envie de sortir.
-          T’es là pour quoi mon lapin ? Dit-elle en allant se rasseoir sur son banc, face à moi.
-          C’est une erreur, m’appliquais-je à dire.
-         Je vois, fit Mado en se tripotant une mèche de ses cheveux blonds paille. On est tous là par erreur…
      Je suis sauvé, elle ne parle plus pendant quelques minutes, elle estime peut-être avoir déballé tous ses précieux conseils. Ce n’est pas pour autant que je vais mieux ; j’ai la tête entre mes mains, je la masse doucement pour calmer la douleur. J’en viens à préférer le son de la voix de Mado, au silence vertigineux de cette cellule. En levant les yeux vers elle, elle me lance un clin d’œil plein de compassion.
-          Hé ouais mon lapin, faut s’accrocher ! Plus tu viens du haut de la montagne, plus la chute est sévère. Moi je ne me fais jamais bien mal, vu d’où j’viens !
-          Vous venez souvent ici ? Dis-je comme si je parlais d’une habitude possible.
-          Oh disons une fois par mois environ. Ça les réconforte de me mettre en garde à vue pendant une nuit, ils ont l’impression d’appliquer la loi comme ça. Mais ce qu’ils ne comprennent pas c’est que, s’il n’y a plus de femmes comme moi, la société risque d’avoir de sérieux problèmes.
      Interloqué, je la laisse parler, persuadé que ses histoires finiront par me distraire. Elle continue :
-      Mes p’tits clients, s’ils n’ont personne qui veulent bien les « recevoir », ils trompent leurs femmes avec la meilleure amie, ou avec la secrétaire ! Et ils peuvent tout planter du jour au lendemain sur un coup de tête, en laissant femme et enfants. Vaut mieux un p’tit coup avec la Mado, non ?
      Elle s’arrête et me fixe droit dans les yeux :
-         Mais toi mon lapin, qu’est-ce que t’as bien pu fabriquer pour en arriver là ? C’est forcément une histoire de bonne femme. J’suis pas une folle de foot, mais quand même, j’connais un peu. Et pour qu’un p’tit gars comme toi, sans histoire, en arrive à foutre une praline en plein match, faut vraiment qu’on t’ait chauffé les noisettes, hein ?
-          Vous n’êtes pas psy, plutôt que …
-          Pute ? C’est pareil mon lapin, on fait le même métier.
      Même si je n’ai aucune envie de rire dans cette cage, j’esquisse néanmoins un sourire à cette femme au physique tellement vulgaire, mais à la langue bien pendue et à l’esprit vif !

J’ai mal partout, je n’ai pas dormi, ma bouche est asséchée au point de ne plus avoir une goutte de salive. Je rêve d’une brosse à dents et d’une douche ! On ne me propose rien de tout ça, dès 8h, on m’amène au fourgon cellulaire ! Ce camion est dégueulasse : des traces de morsure et de morve sur les grilles. Je n’ose pas bouger de peur d’attraper une saloperie. Mon voisin de gauche grogne comme un animal et celui de droite hurle comme un forcené qu’il va tout faire péter s’il n’est pas libéré immédiatement. Nous sommes en route pour le tribunal. Mon cas s’annonce critique. Le procureur a voulu s’occuper personnellement de mon cas, certainement parce que ma notoriété lui plaît à lui aussi. Je sais à quel point, ils sont tous excités à l’idée de juger une affaire comme celle-là, croustillante à souhait : un footballeur professionnel, une association de malfaiteurs, un tableau volé, de la coke, on mélange le tout et ça fait une belle et grosse affaire judiciaire.
      Jusqu’à ce jour, je peux affirmer n’avoir jamais su ce que voulait dire l’humiliation. Se faire huer sur un terrain par la foule, ne vaudra jamais ce que je suis en train de vivre : à poil, les jambes écartées, on m’ordonne de tousser, au cas où je dissimulerais un quelconque objet. Je voudrais tout briser autour de moi, la honte me fait haïr ces trois mecs qui m’ont foutu dans un tel enfer ! Je me sens comme un animal traqué et je n’ai qu’une envie me terrer au fond d’un trou pour ne pas affronter les regards de ces flics qui me demandent de montrer mon cul. J’ai honte, j’ai peur de devenir violent si l’acharnement ne cesse pas très rapidement. J’ai beau répéter que je suis innocent, que je suis une victime dans cette affaire, on se fout de moi.
      J’attends dans les sous-sols du tribunal, au dépôt, l’antre poisseux et moyenâgeux qui se trouve sous la belle île de la Cité ! Je n’aurais jamais soupçonné en m’y promenant, que de tels bas-fonds puissent exister sous mes pieds !
      La crasse ne me quitte pas depuis mon arrestation, depuis que la semelle d’un flic s’est essuyée sur mon visage. Tout ce que j’approche depuis cet instant est innommable : les gens comme les lieux, tout pue, tout respire la mort. J’attends la rencontre d’un énième prédateur, le passage du contre-interrogatoire.
      Cet avant-goût de prison me glace les sangs ; j’ai froid derrière les barreaux de cette cellule humide dans laquelle on m’a enfermé. J’entends les autres déférés comme moi qui s’agitent, crachent ou gueulent leur peur, leur haine et leur impatience de sortir. La panique est contagieuse comme la peste sur les rats.
      Il faut que je me réveille, qu’on me délivre de ce cauchemar ! Je tourne sur moi-même au milieu de ce cachot obscur dans lequel se trouve une planche pourrie qui doit me servir de lit et au fond, un trou nauséabond dans lequel je suis sensé déféquer, pisser ou vomir !

lundi 28 novembre 2011

Témoignage de Michel B.

Je tiens d’abord à remercier mes deux garçons qui ont eu l’idée de lancer cette biographie et mon écrivain en chef, Gwendoline SAUVAL, qui a accepté de faire cette psychothérapie(!!!) et de m’écouter avec bienveillance et oh combien de patience pendant quelques heures autour d’une table.
J’avoue qu’au départ, je n’étais pas très chaud de faire cette exploration du passé, estimant à juste titre, que ma vie professionnelle et privée n’avaient rien de sensationnel, ni de passionnant. Et puis, au fur et à mesure de nos entretiens, je me suis aperçu qu’un nombre incalculable de souvenirs remontés à la surface, me permettant d’abord de me recaser dans le temps et dans l’espace, puis ensuite de me rendre compte qu’il était important de transmettre à ses enfants des tranches de vie qui souvent disparaissent totalement au bout d’un certain nombre d’années.
Toutefois, je pense que la transmission de la mémoire se fait dans de bien meilleures conditions entre les générations actuelles, ce qui n’était pas le cas du temps de mes parents ou mes grands parents.

Biographie d'un gendarme

Je ne sais que très peu de choses sur mes ancêtres, seuls quelques actes de mariage et autres m’ont permis d’en savoir davantage sur mes grands-parents paternels. A cette époque on ne parlait pas de soi, on vivait, on transmettait des valeurs, mais on ne racontait rien de superflus, comme c’est le cas aujourd’hui.
Mon grand-père possédait une maison à Bordeaux, qui malheureusement fut en grande partie détruite en 1940, à la suite des seuls bombardements aériens effectués par les Allemands sur la ville ! Mes grands parents et ma tante Madeleine qui dormaient dans la maison cette nuit là s’en sont sortis indemnes ! Un vrai miracle !
Pour la petite histoire, nous découvrirons un jour que ma grand-mère paternelle, Louise V était une descendante du marquis De Monvoisin. Celui-ci a eu pour originalité d’avoir été anobli, puis d’avoir refusé de jurer sur la constitution de 1791 pour enfin se marier en 1794 à l’âge de 58 ans avec une gamine de 23 ans ! L’histoire va même jusqu’à dire que ce marquis fut le confesseur de Marie-Antoinette…
Vérité ou balivernes ?
Ce qui est amusant c’est plutôt de se dire que nous descendons d’un prêtre défroqué !
J’ai souvenance des soirs où ma grand-mère passait la brique chaude dans mon lit pour le réchauffer, car le seul point de chaleur était dans la cuisine, autour du poêle. Puis je me souviens des matins… tandis que mon grand-père mangeait les légumes de son potager, j’avais la chance que ma grand-mère m’apporte mon café-crème au lit ! Je respirais alors les savoureuses odeurs qui se dégageaient des plats mijotant sur le coin de la cuisinière. J’étais choyé chez mes grands-parents, mais ça ne m’empêchait pas de devoir me rendre comme tout le monde aux toilettes à l’extérieur !