vendredi 1 juin 2012

Etre biographe c’est aussi travailler avec la mort ...

J’apprends ce matin un nouveau décès.
Cette femme n’avait pas l’âge de mourir, mais elle avait celui de souffrir.
Julie C. m’avait demandé d’écrire son histoire d’amour et attendait ce livre comme une dernière offrande à son mari défunt ; il représentait la seule chose qui la retenait à la vie. Je savais que peu de temps après lui avoir remis cet ouvrage tant espéré, elle tirerait sa révérence. Je le savais pourtant je n’ai pas ralenti ma cadence, je ne l’ai pas non plus dissuadée, j’ai continué à rédiger aussi rapidement qu’elle l’exigeait… tout en ayant une épée qui m’éventrait doucement…C'était terrifiant, plus vite j'écrivais, plus ses adieux se rapprochaient.
                                                                
Julie C. était condamnée en plus d’être une veuve inconsolable, alors j’ai écouté ses joies, ses peines, chaque détours de sa vie avec son mari. Chaque semaine pendant plusieurs mois, je l’ai regardée pleurer, retenant mes larmes pour ne pas flancher devant elle, mais trouvant la vie tellement injuste en rentrant chez moi.
C’est mon métier d’être perméable aux douleurs de mes clients, de ressentir leurs émotions au plus profond de mon cœur, pour les retranscrire le plus justement possible sans jamais avoir de parti-pris.
Julie C. avait souvent peur que je ne la crois pas, tant ce qui lui arrivait était incroyable. Je tentais de la rassurer en lui répétant que mon métier de biographe m’imposait de ne pas douter de SA vérité, à la différence d’une journaliste qui pouvait être en quête de LA vérité. Mais mes propos ne lui suffisaient pas, alors elle m’apportait des preuves irréfutables.
Oui Julie C. a vécu une existence tout à fait hors du commun, donnant une confiance aveugle et étourdissante à son grand amour, au point d’en mourir.
Qui sait si ce livre intitulé « Les amoureux du Champ de Mars » verra le jour auprès d’un éditeur, quoiqu’il en soit il est la preuve la plus étonnante du romantisme que je connaisse.

Je ne sais pas combien d’histoires douloureuses et cruelles mon cœur sera capable de supporter, combien de personnes il me faudra pleurer, je sais en revanche que ces rencontres sont des trésors incroyables qui m’honorent sans cesse.

Merci à tous de m’offrir votre confiance.
Et surtout Julie, que Dieu vous garde et vous protège...