mercredi 30 décembre 2009

SENDERENS au pays des étoiles


J’avais entendu parler de trois étoiles perdues…
Et comme je ne suis pas de près l’actualité gastronomique française, je n’ai pas cherché plus loin que cette information, pour la moins décevante. Et pourtant il s'agissait bien d'une fausse rumeur : Senderens a rendu ses étoiles !

J’avais envie d’y aller, de découvrir la cuisine gastro de Senderens, avec ou sans étoile !
C’était le mardi 15 décembre. Mardi ou samedi il faut réserver, car le restaurant est constamment plein. (Tiens, pour un chef qui a perdu du grade, ça va bien !)
L’entrée de cet établissement m’a toujours fascinée, voire intimidée, pourtant cette fois je franchis le seuil, j’ai rendez-vous derrière cette porte à 20h.

Malheur, je n’aime pas du tout la déco, et même si une bonne âme m’apprend qu’il s’agit de Noé Duchaufour Lawrance, 31 ans, un designer glamour, qu’il sort de l'école des Arts déco et qu’en 2002 il a été le designer et l’architecte d'intérieur du Sketch, à Londres, je n’en suis pas émue pour autant. Je trouve cet endroit vieillot, ce mélange des boiseries de Majorelle qui côtoient des lustres en Dacryl, je n’adhère pas du tout. Le seul point fort de la déco se trouve, à mon sens, dans les tables lumineuses en Corian et au premier étage du restaurant…

Mon invitée arrive et m’apprend qu’elle admire le geste de Senderens. Je ne comprends pas. Que faut-il estimer ? Ses talents culinaires ? Bien sûr, mais attendons de voir, non ? Non ce n’est pas de ça dont il s’agit. Mélomane, amateur de peinture contemporaine, collectionneur de livres anciens, Alain Senderens a "rendu" ses trois étoiles au Michelin après vingt-huit ans de lutte pour les conserver. Wouah ! On m’avait caché cela ! A mon tour d’apprécier la démarche du grand chef.

Allons voir si nous avons raison de louer la noble attitude du maître de ces lieux !
Un serveur me tend la carte avec son plus beau sourire. Je choisis l’entrée du siècle : Escalope de foie gras chaud dans un bouillon de légumes à la chinoise.
Une entrée exquise qui recèle de mille goûts et offre une belle complexité avec la perfection de la cuisson du foie gras.
Je m’en taperai la tête dans le plexi lumineux qui change de couleur face à moi ! Ce plat est divin et le verre de vin blanc que l’on m’a suggéré (Coteaux du Languedoc, Lune Rousse 2006 - Le Conte des Floris) ne fait qu’exploser mes papilles. J’attends, je goûte encore, je bois, je déguste, je jubile, c’est inouï !
Quant à mon amie, elle arbore le même sourire radieux que celui de nos voisins de table. Il se passe quelque chose d’orgasmique ici. Ses langoustines croustillantes, coriandre et livèche sont exquises.

Tout s’enchaîne comme dans un ballet de délices et de saveurs toujours plus étonnantes et justes. Nous poursuivons avec deux plats identiques, mais incontournables :
Raviole ouverte de homard à la vanille, quelques pousses d'épinard accompagnée d’un grand et judicieux Bourgogne, le Saumur "Brézé" - Domaine Guiberteau. Et comme si tout cela ne suffisait pas, comme si nos palais manquaient de découvertes... nous avons goûté un mille feuilles délicieux.

Qui a bien pu colporter la rumeur qui consistait à dire que monsieur Senderens avait perdu ses étoiles ? Ils ont confondu, ils voulaient certainement dire qu’il nous faisait voir des étoiles !

Il l’avai
t dit :
« Nous allons faire un trois-étoiles sans être un trois-étoiles. Aux serveurs, par exemple, j'ai dit : comportez--vous comme avant, ne changez rien dans vos façons de faire. Aux cuisiniers, j'ai assuré : nous n'avons pas tous les produits, mais votre travail reste trois étoiles. Ce niveau reste notre référence. »

« Je me suis fait un cahier des charges pour limiter le prix de revient. Je ne le faisais pas avant, ça m'amuse, c'est un nouveau métier ! Prouver que je peux sortir un repas à 100 euros, presque quatre fois moins cher qu'avant, c'était une gageure. »
C’est un pari relevé puisque le prix est très raisonnable (pour un restaurant gastronomique !)


Je suis persuadée que cette figure de proue de la nouvelle cuisine envoie ses plats au paradis…
Faites monter Alain Senderens, rendez-le immortel ! Il faut que j’y retourne encore et encore !

2 commentaires:

  1. Un don d'ecriture qui nous permets de partager votre diner et nous pousse à découvrir ce restaurant. Merci

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  2. Quel talent, si j'étais Directrice d'un magazine de critique culinaire je vous embauche de suite.
    Je suis déjà allée chez Senderens, invitée par une charmante personne et je partage votre enthousiasme, c'est délicieux.
    Merci

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